Le Portugal à moto

 

 

Portugal à moto

Douro, Porto, Nazaré, Lisbonne, Alvor, Evora, Guarda

2 500 km / 8 jours

 
 

Jour 1 | Liaison Bayonne / Salamanque

Cette fois, j'ai essayé d’être plus modeste sur les distances. Entre 200 et 300 km jour, de quoi m’arrêter régulièrement, photographier et visiter. Pour commencer, j’effectue une ''vilaine'' liaison sur autoroute de Bayonne à Salamanque, 500 km qui réduisent mon poignet droit en compote, la position de ce dernier ne pouvant bouger pour maintenir les 120 km/h autorisés. Malgré la monotonie du long ruban noir, je trouve un peu de distraction en regardant de droite à gauche. Le ciel est bleu, le soleil brille, les champs de  ray-grass forment de grands rectangles qui semblent doux et moelleux, le colza donne une touche de couleur et par endroit une roche rouge ajoute du caractère à tout ça.

Salamanque ressemble à beaucoup de vieilles villes espagnoles et ce n’est pas un reproche. Les églises et autres vieux bâtiments sont magnifiques, les sculptures forment des dentelles aux couleurs jaunes, patinées par la pluie, les pavés jonchent les rues et au milieu coule le Tormes. Les Salamantinos s’y baignent, et moi, je sue de tous mes pores. La température de ces derniers jours a augmentée d’un coup et le mercure accuse un bon 30°, je n’ai pas encore pu déposer mes affaires dans la chambre et je suis toujours en tenue de moto.

Le soleil décline, je prends quelques clichés et fonce vers le premier bar que je trouve « une caña grande, pro fa ! ». J’admire le peuple salamantin. Comme nous, lorsque nous nous  mettons « sur notre 31 », eux, comme tout bon espagnol, sortent pour un verre, apprêtés, parfumés et les femmes maquillées.

Un burger à la va-vite et voilà que 22 h sonne. Je rentre à ma chambre qui donne sur la Plaza Mayor,  je tombe de fatigue. En bas, un concert de jazz résonne, le saxo me bercera pour m'endormir. Cette fois pas de courbature, pas d’acouphène, l’expérience semble rentrer, j’avais même prévu les bouchons d'oreilles pour l’autoroute et à cause de mon poignet en compote, je me suis arrêté rapidement, mais souvent pour me dégourdir.

Jour 2 | Douro

Le lendemain, je passe la frontière Espagne-Portugal et je m’arrête dans le premier village, Almeida. Ça ressemble à l’Espagne et pourtant, c'est déjà plus « exotique », les petites baraques colorées se tiennent côte à côte et les chats font la sieste entre les rosiers et les glycines. Je reprends ma route et me dis que la N222 se fait bien désirer, les lignes droites s’enchaînent sur la N332 et je croise les premières voitures portugaises. En bon touriste, mon compteur ne monte pas au-dessus des 80 km/h autorisés, les autochtones en revanche, ont le pied lourd et dépassent allègrement les 100 km/h en ligne droite.

Le premier panneau de la N222 apparaît et le paysage change. Les champs vides laissent place aux oliviers et après une bonne dizaine de kilomètres, un pont traverse pour la première fois le Douro. Le paysage devient escarpé et les montagnes laissent tomber leurs jolies courbes dans le fleuve.  Les vignes commencent à faire leur apparition, ces dernières sont interminables et la N222 enchaîne ses virages tout au long de ces jolis rubans verts. La route est aussi une expérience olfactive, orangers, lavande, sable chaud, donnent leurs notes à chaque virage et pour parfaire le tableau, les coquelicots ponctuent le paysage de leur léger drapé rouge.

Pour ce premier jour portugais, je finis ma course à Lamego dans le joli camping de la ville. Tenu par un couple de quinquagénaires portugais, elle, gentille et très accueillante veut parler français, son mari passe et repasse comme un fantôme, avec toujours quelque chose à lui reprocher ou à lui faire faire, sans jamais adresser un bonjour ou un sourire aux clients qui le croisent. Elle me donne quelques conseils d’itinéraires, une Super bock et me dit de m’installer là où je veux. Un peu plus tard dans la soirée, un groupe de Portugais débarque avec des 50 cc, je commence à parler au seul qui bafouille quelques mots en anglais.

Ils sont partis pour faire toute la N222 avec ces petits engins de marque portugaise. Dans les années 50/60, plusieurs marques émergentes, dont EFS, Casal et Famel, fabriquent toutes les trois de petits modèles en 50 cc. Aux alentours des années 2000, les trois marques connaissent la faillite et arrêtent leurs productions. Aujourd’hui ce sont des Portugais passionnés et fiers de leur patrimoine qui les récupèrent et les restaurent, mais pas pour les garder en trophée dans leur salon, beaucoup roulent avec. Plus tard on me parlera même de ce groupe « Volta a Europa em 800 horas 50 cc » qui s’est lancé dans un tour d’Europe sur ces fameuses motos ! Oui, un tour d’Europe en 50 cc, de quoi rendre un peu plus humbles les motards dont je fais partie, qui se sentent aventuriers alors qu’ils roulent avec des motos dernier cri, bourrées de technologie et au moteur dépassant les 700 cc.

Jour 3 | Douro / Porto

6 h, le soleil donne de ses couleurs, je replie la tente et tout mon barda. Le ventre vide, je file au belvédère repéré la veille. 6 h 15, le soleil pointe juste à l’horizon, le Douro prend de jolies teintes dorées, les vignes sortent progressivement de la pénombre et le coq chante cette nouvelle journée. La température est encore douce, les oiseaux commencent seulement à chanter, le spectacle du lever de soleil sur cette magnifique vallée est grandiose et je prends le temps d’en profiter.

Puis je reprends tranquillement la N222,  je rentre de plus en plus au cœur des montagnes. M’arrêtant à une source pour remplir ma gourde, je remarque un panneau qui annonce le passage des déneigeuses et me surprends à imaginer ce paysage immaculé de blanc, ce doit être impressionnant de beauté. Je reste dans la rêverie et je manque presque parfois, de sortir des virages, car trop occupé à admirer les magnifiques paysages du Douro.

Pour la plupart des villages, les premières maisons sont à même la rive du fleuve et s’étendent vers les cimes. Par endroit des ponts romains, des vieilles églises et beaucoup de fleurs, le tout se reflétant dans l’eau. Puis les vignes, infatigable ruban vert, s’étendent sur des kilomètres. J’aurais bien continué ce paysage tout le long de mon voyage, mais voilà que j’arrive à Porto.

Je me gare proche de ma location et trouve une laverie où laisser mes valises en attendant le check-in. Le propriétaire de l’échoppe les prend et me dit avec le sourire « moto bags ! » et le voilà parti à m’expliquer que lui aussi est motard, qu’il y a des routes que je dois absolument faire, il me montre ses photos et veut sérieusement tailler le bout de gras. Je ne suis pas contre, mais j’ai envie de visiter la ville. Je n’ai que l’après-midi pour ça, alors j’écoute poliment, prend les informations et le remercie sans poser de question. Je me dirige vers le Douro, ce qui me fait dévaler les rues. Des rues étroites, sombres, colorées, tortueuses, bruyantes, odorantes, charmantes.

J’ai faim, j'arrive sur les bords du fleuve et les restaurants ne manquent pas, je suis au cœur de l’activité touristique. Dans l’une de ces étroites ruelles, je trouve un restaurant qui m’inspire et surtout qui sert la fameuse francesinha (spécialité de porto). Prenez un croque-monsieur, ajoutez-y une saucisse coupée en deux, un bout de viande bien cuit, un œuf, une double dose de fromage, des frites et le tout arrosé d’une sauce qui ressemble à un bouillon de soupe aromatisé au Cube Or et voilà la francesinha ! Bon, je vais être honnête, ça ne me laissera pas un souvenir impérissable et je vous dirais même, que si vous n’avez pas le temps de le goûter, franchement ce n'est pas grave.

C’est donc le ventre lourd et avec quelques remontées acides… pardon, c’est donc le ventre plein que je reprends mon exploration. Je traverse le Douro pour flâner sur les quais qui servaient autrefois au débarquement du raisin en vue de sa transformation dans les caves de Porto. Ces dernières se succèdent tout au long des quais. Les bâtiments sont beaux et très bien conservés, les enseignes rivalisent de grandeur et l'on peut bien sûr visiter les caves. Le choix est large, il y a bien une dizaine de marques qui s’affichent en première ligne (plus de 40 marques au total) et je choisirais Adriano Ramos Pinto, oui juste parce qu’il s’appelait Adriano… il faut bien prendre une décision.

Le vieux bâtiment est magnifique, la marque étant « récente » comparée à ses concurrentes, le défi était de taille pour s’imposer. Ramos Pinto créa sa notoriété grâce au marketing, aujourd’hui indissociable du business. C’était à son époque un précurseur, faisant travailler des artistes pour créer les plus belles affiches et les plus provocatrices, offrant des « goodies » aux bons clients et plaçant les meilleurs d’entre eux, littéralement sur un trône pour passer commande.

On finira comme il se doit par la cave et bien sûr par la dégustation. À table, un couple de Bretons et un groupe de jeunes Nantais avec qui je partage ce bon moment. L’alcool ayant cette faculté a délier les langues et créer de la convivialité, nous voilà partis à nous raconter nos vies et à refaire un bout du monde. Trois verres de Porto plus tard, je repars tant bien que mal sous  un soleil de plomb et je me dis que la dégustation après une francesinha n’était peut-être pas une bonne idée. Rien de mieux que de remonter le vieux Porto ! Ou pas. J’ai l’impression de suer la sauce Cube Or et je suis légèrement dans le coton.

Je remonte gentiment vers ma location, récupérer mes valises en évitant mon ''pote'' motard bavard et effectue mon check-in. Le coucher de soleil est magnifique, Porto s’embrase, les ''pépettes Instagram'' se font Instagramer par leurs petits copains, les Anglais trinquent avec de grandes pintes au bord du Douro et les Portuenses continuent leur vie sans s'occuper de toute cette liesse touristique.


Jour 4 | Porto / Nazaré


Je quitte Porto dans le brouillard, un brouillard qui s’installe pratiquement tous les matins à la belle saison et se dissipe en début d’après midi. Le phénomène est assez impressionnant, surtout lorsque les températures baissent rapidement le soir, créant une dépression importante et un effet d’aspiration, on peut alors voir le brouillard envahir le Douro, puis engloutir la ville. Tapez « brouillard Porto » sur Internet et vous y trouverez quelques photos.

Je traverse le Douro, la nappe de brouillard est encore plus dense, je ne vois pas à 10 mètres. Je vais passer la matinée dans cette humidité et je suis obligé de remettre un pull sous ma veste, les 14° contrastent avec les 30° de la veille. J’enchaîne la nationale et ça me change bien de la N222, cette fois des enfilades de camions et les petits villages ponctués d’usines forment le paysage. Jusqu’à Coïmbra je roule sans m’arrêter, par endroit les forêts d’Eucalyptus sont tellement denses que l'on se croirait en Australie et m’attends à voir surgir un koala sur le bord de la route. Pas de Koala finalement, mais le soleil qui revient et Coïmbra droit devant.

C’est une des villes qui auraient inspiré J.K. Rowling pour son roman à succès, notamment pour son université ou les étudiants portent tous une longue cape noire et pour sa magnifique bibliothèque. À part ça, pas grand-chose à faire ici, je me balade rapidement entre les étudiants qui ne semblent pas peu fiers de porter leur cape et je me pose pour taper « quoi faire à Coïmbra ? » Google me sort quelques suggestions, dont le site archéologique de fouilles romaines Conimbriga.

Ça m’impressionne toujours autant, de voir qu’il y a 2000 ans, des mecs ont su construire des villes qui ressemblent beaucoup aux nôtres, enlevez-nous l’électricité et vous verrez la ressemblance. En plus de mettre le beau en avant par le biais de magnifiques fontaines, carrelages, sculptures, le lieu est parfaitement organisé. Un complexe sportif avec piscine, bains et salle de sport, une villa de plus de 1000 m² pour les ''gens'' de la haute, un forum dédié au culte de l’empereur, des fourneaux excentrés, des bâtiments composés de plusieurs logements pour les ''petites gens'', tout y est. J’y passe plus de temps que prévu et je n’ai malheureusement pas le temps pour le musée, je ne veux pas tarder pour rejoindre Nazaré.

Pas de vague de 30 mètres aujourd’hui, mais un joli coucher de soleil et un petit mètre cinquante qui déroule proprement au pied de la falaise. Chaque série fait remonter les embruns, l’odeur salée flotte sur toute la côte et je savoure ma Super Bock en regardant l’océan se teinter d’orange et de rose. Le soleil joue à cache-cache avec les nuages et moi, je me dirige vers la ville basse à la recherche d’un restaurant encore ouvert.

Sur la place principale, les restaurants à touristes s’enchaînent et ça ne me fait pas réellement rêver.  Je décide de poursuivre mon chemin sur le remblai et manque de me prendre les pieds dans un stop trottoir trop petit pour être vu… mais assez pour vous faire tomber ! Mission réussie, je l’ai lu, il indique le resto

''O Varino''.  Au fond de la ruelle, des tables en plastique, une vieille typo gothique et un intérieur qui ressemble aux vieilles maisons de bord de mer. Un monsieur en polo bleu se tient dans l’encadrement de la porte.

  • Ola ! Lui dis-je, ''you speak english, or french'' ?

  • Ce que tu veux mon gars !

Ça, c'est une réponse que j’aime ! Il me propose une des tables en plastique et je commande une Super Bock. Des sardines avec des patates à l’eau me passent sous le nez, pas besoin de regarder la carte, je veux ça !

Un couple de sexagénaires en face de moi, termine son repas et lorsqu'ils partent, je leur demande :

  • C’est bon au moins ?

  • Excellent ! ça fait 30 ans que l’on vient ici, c’est de la cuisine faite avec le cœur.

Voilà qui sent bon. Quatre sardines plus tard, j’interpelle le monsieur qui semble bien être le patron.

  • Elles sont bonnes vos sardines ! '' Bon Dieu '' que c’est bon le poisson frais ! C’est péché ici à Nazaré » ?

  • Ouais, ce sont des potes qui me déposent ça devant la porte le matin après la pêche.

  • T’es d’ici toi ? Ton Français est parfait.

  • J’ai vécu toute mon enfance à Vesoul, mes parents ont fui le régime de Salazar. Après la Seconde Guerre mondiale l’économie s'est cassée la gueule, c’était la misère et beaucoup sont partis. Je suis né deux rues plus loin, dans une maison au bord de l’eau, mon père pêchait comme tout le monde ici. Moi aussi j’ai fait carrière sur les bateaux, mais pas de pêche, sur les bateaux de croisières et puis j’ai fini par avoir le mal du pays et je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose ici. Ça fait 30 ans que j’ai ouvert le restaurant, j’ai eu des enfants, ça n'a pas toujours été facile question business et avec ma femme non plus, mais malgré tout on a tenu bon et aujourd’hui ça tourne bien. La vague nous ramène du monde l’hiver et l’été c'est la saison habituelle.

  • Elle a toujours été là, cette vague ?

  • Bien sûr, simplement avant on la contournait pour aller pêcher .

Je l’aide à ranger sa terrasse, le personnage est vraiment sympathique, un gin pour terminer et je plie bagage.

Jour 5 | Nazaré / Lisbonne

Comme à Porto, le brouillard s'est invité dans la nuit, mais sans fleuve à proximité, ce dernier est moins dense. Je pars sans vraiment regarder mon itinéraire et je me retrouve sur l’IC2, une ligne droite interminable,  avec beaucoup de camions. Après une trentaine de bornes, je décide de bifurquer dans la cambrousse et heureusement le paysage et la route deviennent beaucoup plus charmants.

Le soleil apparaît et j’enchaîne les petits villages qui débordent de couleurs. C’est légèrement vallonné, les flancs de colline sont couverts de verdure, ici aussi il y a quelques vignes. Dans les villages, les ruelles sont étroites et les bus ne peuvent croiser les voitures. 160 km plus tard, j’atteins le Palais de Montserate, un édifice et un jardin magnifique érigés pour un riche industriel Anglais, Francis Cook. Le bâtiment est un vrai objet d’art, construit pour profiter pleinement de la végétation luxuriante du jardin. Ici, les photos valent mieux que les mots.

12 h, j’arrive à mon hôtel à Lisbonne proche de la tour de Belém. Je pose mes affaires dans la chambre et reprends la moto pour atteindre le centre ville. Étrange, de reprendre la bécane sans le surpoids de valises, mais pas désagréable. Lisbonne ressemble aux grandes villes européennes, le charme du Portugal en plus. Petites rues étroites et colorées, arbres qui poussent au milieu des escaliers, vues plongeantes sur les toits et grands magasins de luxe.

La ville est belle et agréable à découvrir, toutefois, je me fais la réflexion que je préfère Porto, plus petite, plus intimiste, plus charmante. Je commence mon exploration par le restaurant Osteria, recommandé par un ami, une petite taverne italienne qui me servira des torttelinis avec une sauce carbo et du prosciutto à se taper le cul par terre ! Je déambule dans les rues sans but, le mercure atteint de nouveau les 30° et les petits tramways jaunes vont et viennent dans les rues pavées.

Je croise la rue d’une école d’art où les étudiants sont en plein exercice de sculpture sur pierre, la fumée envahi la salle, je vole une photo et me fais reprendre par ce qui semble être un responsable. Puis je passe la journée à marcher, l'Alfama est un quartier charmant, avec des restaurants où écouter le Fado. Des musiciens de rue jouent de la gratte et les miradors se succèdent. Je finis ma journée par un délicieux Bacalhau.


Jour 6 | Lisbonne / Alvor

  

Je quitte Lisbonne par le fameux pont qui ressemble au Golden Gate Bridge, la brume est présente à nouveau, mais se dissipe vite. À Azeitao, je m’arrête dans une boulangerie au nom français « Aux fins gourmets ».

Le patron est un compatriote juste installé après Covid, il vient discuter pendant que je mange un vrai croissant ! Il semble un peu fatigué et me confie que le business est difficile ici. Le pari semble intéressant, mais cette boulangerie perdue dans un petit bled comme ça, est une boulangerie comme une autre pour les gens du coin. Pour moi, ce sera un vrai petit dèj à la française, de quoi bien repartir pour une bonne journée. Direction Villa Nova de Millefontes, un joli village à l’embouchure de la rivière Mira, plein de couleurs et de pavés bien sûr, le village vit apparemment au rythme du tourisme d’été et du surf. Pas grand monde à cette période et tant mieux, je flâne dans les rues, prends quelques photos et je repars en direction du déjeuner.

L’envie de surfer me prend, je remarque un surf shop proche de l’océan à Praia da Luz. Ça semble parfait pour louer une planche et une combi, Magic Sea Weed annonce de petites vagues. Je coupe donc mon trajet pour arriver au plus vite à la fameuse plage, malheureusement pas de vague. Le spot nécessite une houle de sud ce qui est assez rare, mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Je pose mes affaires au camping d’Alvor et fonce sur la magnifique plage de Praia dos Três Irmaos.

Une petite session de body surf fera l’affaire. Sur la plage, des rochers d’au moins 5/6 m de haut structurent un grand théâtre naturel. Le soleil baisse et je choppe un petit chemin déjà bien emprunté pour monter au sommet de l’un d’entre eux. Je surprends les mouettes, l’une d’elles ne sait pas quoi faire, partir à tire-d’ailes ou rester.

Elle me regarde méfiante faisant des pas de côté, je reste pour la photographier et me méfie de celles qui viennent de partir, des fois qu’elles voudraient se venger de mon apparition, en me lâchant leur repas de midi sur le crâne. Le cadre est sublime, la lune commence tout juste son office, passant d’un spectre léger à un cercle blanc nacré qui flotte au-dessus de la plage. Pas de grandes visites aujourd’hui mais une bonne journée sous le soleil. Je trouve une bonne adresse, le Gastrobar 13 en centre-ville et je rejoins Morphée pour le reste de la nuit.


Jour 7 | Alvor / Evora


Départ dès potron minet, direction Sao Bras de Alportel, ici commence la N2. Une magnifique route qui remonte le pays par l’intérieur des terres et aussi la plus longue de tout le Portugal, un peu plus de 700 km. Pour ceux qui aiment les médailles, il est possible de faire tamponner un carnet lors de son passage dans les villages qui jalonnent la route.

Le début est vraiment chouette, de Sao Bras à Almodovar j’enchaîne les virages avec nonchalance, le soleil commence tout juste à chauffer et c’est encore agréable. Après une cinquantaine de kilomètres, je m’arrête au bord d’un petit chemin et je repère sur la carte une proéminence. Pour la rejoindre, je marche quelques centaines de mètres à travers la garrigue portugaise, fournie de lavande et de ciste gomme. Les pins parasol font de l’ombre et au sommet la vue se dégage sur les douces collines qui forgent le paysage. À Almodovar la température grimpe, c’est la fin de matinée et l'on frôle déjà les 30°. Je prends un Coca et j’enlève la polaire.

Un coup d’œil à la carte et je constate que la N2 s’assagit jusqu’à Evora, plus de virage joueur. Je décide alors de bifurquer direction le Parc Naturel do Vale do Guadiana. Je traverse des kilomètres de champs arides où les troupeaux de bétail, peu nombreux, paissent le peu d’herbe qu’ils leur restent. Les couleurs sont belles, des teintes ocre, jaunes et le vert épais des plantes grasses. Pas un chat à courir les routes, non, mais des lynx oui. OUI, des Lynx, un panneau '' danger lynx '' me surprend, plus tard je lirai qu’une campagne de réintégration du lynx ibérique suit son cours depuis 2016 et visiblement le succès est au rendez-vous.

J’arrive pour le déjeuner à Beja, où se tient en ce moment un festival romain où les gens sont habillés comme à l’époque. Quelques restaurants ont sorti de grandes tables sur les terrasses et je m’attable à l’une d’entre elles. À côté de moi, un groupe de romains a fait de même, on a dépassé les 30° et la bière fraîche fait un bien fou. Le patron, un petit monsieur de plus de 70 ans à le sourire malicieux et semble avoir la blague facile. Malheureusement, on ne se comprendra que par les gestes. Il apporte ce qui ressemble à un gros plat de cantine à la table voisine et me fait comprendre : « tu veux ça toi aussi ? » J’ai l’impression que je n’ai pas vraiment le choix, c’est le plat qui a été cuisiné pour ce jour. Sûr de moi, je réponds le pouce en l’air (choix adéquat à la situation) « ouais beh ouais, c’est bien ça, je veux ça ! ».

Et me voilà devant un ragoût, fourni de légumes et de viandes, bien gras. Le goût est bon et malgré la chaleur, je me régale, mais ''bon dieu'' tout ce gras… je le goûte en me disant que c’est peut-être le secret du plat, raté ! Un bon gras flasque et collant qui ne donne pas envie.

Il ne reste que 80 km pour atteindre Evora et comme je n’en ai pas eu assez, je tire encore vers l’est pour allonger mon périple. Je passe par Moura et traverse le barrage du lac d’Alqueva, l’un des plus grands lacs artificiels d’Europe qui fait d’ailleurs office de frontière entre le Portugal et l’Espagne. Puis j’arrive tranquillement à Evora où je termine en flânant dans les rues, entre son temple romain et ses églises.

Jour 8 | Evora / Guarda

La journée commence à 8 h cette fois, un américano et un croissant plus tard, j’entre dans la fameuse église en attendant l’ouverture du musée. L’entrée de ce musée vous donne accès à la chapelle « Capela dos Ossos » où les murs sont couverts d’os humains. Il y est expliqué que les moines ont souhaité, par le biais de cette coquette déco, inviter leurs frères à la méditation. Une bien belle façon de ne pas oublier que nous sommes tous faits de la même façon et que nous retournerons tous à la terre un jour.

Avec autant de poésie et de chaleur me voilà reparti heureux au guidon de ma moto, direction Guarda. J’avais prévu de faire le chemin depuis le sud jusqu'à Guarda, en trois jours, toujours dans l’optique de ne pas être trop fatigué et de pouvoir visiter. Finalement, j'ai le bon rythme et avec les jours qui allongent, j’ai le temps de m’arrêter quand je veux.

Je file donc tranquillement en direction de Belver, qui sera le premier stop de ma journée pour déjeuner. Peu de monde sur ces petites routes et c'est parfait. J’ai le temps de profiter du paysage tout en roulant à mon rythme. À Belver, je trouve le café « da Avo Mathilde », j’ai l’impression de rentrer dans la maison de mon grand-père. Le monsieur ne parle ni français, ni anglais, mais continue de me parler en portugais et j’essaie de le comprendre tant bien que mal. Il me sert une Super bock et je sors dans l’arrière-cour. Deux Portugais sont à table, taillant le bout de gras, bière à la main et mangeant d’étranges fèves jaunes. Le patron m’en apporte justement une coupelle et comme il me pense bilingue portugais, il part à m’expliquer comment elles sont faites et comment les manger. Je comprends qu’elles sont saumurées et qu’il ne faut pas manger l’enveloppe extérieure. Je repars pour Guarda.

Je dévie encore une fois de mon itinéraire initial. Je commence à rentrer dans la partie la plus haute du Portugal. La route devient de plus en plus sinueuse et avec la forte température, ça devient un régal. Cette fois, je profite des routes sans trafic pour m’amuser. Les pneus collent à la route et malgré le poids des valises, j’enchaîne les virages sans regarder le compteur.

Je prends tout de même le temps de m’arrêter au mirador de Sarnadela qui surplombe la rivière Zêzere, la vue est magnifique et le lieu paisible. Au loin, les nuages commencent à monter, les orages sont annoncés pour la nuit et demain une petite pluie doit s’abattre sur pratiquement tout le Portugal. Après Barroca le paysage m’interpelle, un gigantesque terril qui descend droit dans la rivière et qui doit approcher les 50 mètres de hauteur. C’est intrigant, effrayant, moche, beau, bref, j’ai poussé les recherches et je suis tombé sur cet article : https://www.courrierinternational.com/article/2010/11/17/une-vie-a-la-mine. Il s’agit de la mine de Panasqueria, une mine de tungstène qui a vu des générations de Portugais y travailler.

Me voilà arrivé au terme de mon périple, dans la vieille ville de Guarda. Les orages commencent à résonner et je termine par un ultime mirador pour photographier les dernières couleurs du jour.

 
 
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Le 31 _ 2023

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