Au creux des volcans
Caleta de Famara
N 29° 7’ 38.048’’ | W 13° 32’ 8,59’’
Je n’ai jamais envisagé les Iles Canaries comme une destination surf. Oh! Du calme, je t’entends déjà "pff... t’y connais rien mon pauvre !" Ok, je ne suis pas un expert en matière de surf-trip, mais à chaque fois que j'ai checké les prévisions surf, la seule chose que j'ai retenue, c’est du vent fort on-shore qui change sans cesse de direction. Donc, on s'envole pour Lanzarote sans projet surf.
Nous venons d'atterrir à l'aéroport d'Arrecife, nous récupérons notre 4x4 jaune et nous nous dirigeons vers Famara, en suivant les instructions du propriétaire. Caleta de Famara est un village typique des Canaries au nord de l’île, avec de petites maisons blanches. Une longue baie part de la ville pour se prolonger plus au nord en suivant la forme d'une immense caldeira.
Ce vieux volcan avec sa falaise impressionnante de 600 m, offre à la plage une protection incroyable. Arrivés de nuit, nous décidons de trouver un endroit loin de la civilisation, nous prenons un sentier chaotique et arrivons finalement dans un endroit qui deviendra notre maison pour quelques jours. En sortant du véhicule, la première chose que nous remarquons c'est ce fameux vent, pas vraiment une surprise, comme je m’y attendais il souffle fort et on-shore, je l’avais dis, on est pas venus pour surfer.
Le lendemain matin, nous nous réveillons dans ce magnifique paysage, avec au sud, le village et ses maisons blanches et en arrière plan quelques volcans. Au nord, l'île de La Graciosa et dans notre dos cette énorme et massive falaise. L'ambiance est à couper le souffle et lorsque nous imaginons que nous sommes au milieu d'un volcan éteint, l'expérience devient un peu plus excitante.
Ce matin, le vent du nord souffle encore fortement, mais les vagues sont bien meilleures que je n'imaginais, juste un peu trop grosses pour nous. Une chose m’interpelle, les prévisions sont complètement différentes de la réalité, pour 1m à 1,2 m nous avons 1,8 m à 2,0 m au moins. De toute façon, pas de surf aujourd'hui, nous partons explorer l'île avec notre jouet jaune.
Cette fabuleuse voiture passe partout, nous grimpons sur les volcans (par des chemins tracés, tout de même ! N’allez pas croire que nous ayons dévasté l’île avec nos 4 roues motrices !), nous traversons les coulées de lave et finalement nous arrivons dans cet endroit de rêve sans nom, un plateau isolé du reste de l’île, où nous allons pouvoir passer la nuit.
Du haut de la falaise, nous contemplons ce qui ressemble à des vagues vierges, un point-break parfait roule sous nos pieds, au nord nous avons une vue imprenable sur l’île de La Graciosa, là-bas aussi nous apercevons des vagues parfaites qui déroulent, mais à nouveau il nous est impossible de savoir si elles sont surfables et accessibles.
Au sud, dans le minimalisme typique des paysages volcaniques, une large face ponctuée de quelques plantes grasses se dresse devant nous.
Le soleil commence à baisser à l’ouest, alors je décide d’explorer le volcan afin de capturer les dernières lueurs du jours. Il y a tellement de cratères sur l’île que la plupart n’ont pas de chemin pour monter à leur sommet.
De son aspect uniforme, un cône volcanique semble simple à gravir et pourtant lorsque l’on se retrouve sur le dernier tiers, l’ascension devient de plus en plus difficile.
Souvent le cône a été formé par des scories (pierre volcanique légère et fragmentée issue des irruptions) qui roulent facilement sous les pieds, qui plus est, ces sommets sont peu gravis, donc uniformes et ne présentent pas assez d’aspérités pour bien poser les pieds, c’est pourquoi parfois … on glisse !
Et pour se rattraper, difficile de «chopper» au vol les deux-trois plantes grasses qui traînent, bref, heureusement personne alentour pour voir mes péripéties, la prochaine fois je ne montrais pas tout droit bille en tête, mais je prendrais une diagonale.
Arrivé enfin à la couronne du volcan, les mains et les genoux poussiéreux, je commence ma ronde afin d’explorer chaque recoin. Tous les volcans sont un peu comme des kinder-surprise, j’ai hâte d’arriver en haut pour voir ce qu’il y a dedans.
Parfois on est déçu, le cratère n’est pas assez profond ou trop uniforme et parfois c’est la vraie découverte, le trou laissé par l’activité volcanique mesure des dizaines de mètres et donne le vertige, d’énormes blocs de roche semblent en équilibre au bord d’immenses trous béants avec des cavités qui semblent s’enfoncer jusqu’à la lave encore vivante.
Bref, on se sent aventurier avec trois fois rien et c’est assez génial. Les faces des volcans rougissent dans les dernières lueurs du jour et en contrebas l’ombre de ces derniers dévore lentement les baraquements déjà assoupis. Je ne bouge plus du sommet, perché à presque six cent mètres au dessus du niveau de la mer je joue les girouettes, capturant les mêmes endroits à quelques minutes d’intervalle. À ces heures précieuses pour un photographe, la lumière évolue rapidement et offre à chaque seconde des couleurs et des contrastes différents. Le soleil est passé derrière l’horizon et moi je redescends en direction de notre maison mobile.
Le lendemain, nous nous dirigeons vers le sud à la recherche de La Santa, célèbre spot de surf de Lanzarote où plusieurs séries des qualifications mondiales se sont déroulées. Nous comprenons maintenant que les prévisions sont biens différentes de celles du continent, ici la houle frappe fort et quand il est annoncé 1,5 m à 2 m vous pouvez vous attendre à un épais 2 m avec des séries à plus de 3 m.
Cette vague semble imperturbable, malgré un fort vent on-shore la vague est parfaite et roule des premiers rochers à la fin de la passe, offrant également une section longboard musclée au milieu. Ce spot ressemble à une embouchure de rivière et offre un point-break creux parfait à droite et un A-Frame parfait à gauche, lui aussi creux et surtout rapide.
Nous restons des heures à regarder le spectacle, le niveau de surf est bon et les locaux connaissent bien leurs vagues. Le coucher de soleil rend le paysage incroyable, je fais quelques photos avec le volcan en arrière plan et la nuit tombe rapidement.
Grâce à une meilleure compréhension des prévisions, nous décidons de rentrer à Famara et d’attendre les prochains jours. Magic Sea Weed annonce de petites vagues avec, surprise, un vent favorable. Finalement la houle descend jusqu'à 0,5 à 0,8 m et le vent tourne effectivement nord/nord-est, ce qui est parfait pour le haut de la plage qui est abrité par l’énorme pan rocheux de la caldeira.
Suivent deux jours de surf au milieu de ce volcan éteint. Le sympathique surfshop local nous loue une Mark Richard toute neuve avec le dessus en mousse bleue et une 6'0, 2 + 1 très joueuse. La Mark Richard ressemble à une planche d'école avec son dessus en mousse bleue, mais finalement elle bouge très bien dans ce genre de petites vagues. La 2 + 1 est plus lente avec plus d’inertie mais dès que la vague ralentie on peut caler des «nose ride» grâce à son volume et ses courbes généreuses.
En suivant les marées, nous passons le plus claire de notre temps à surfer, profitant de cette eau chaude et transparente. J'oublie même de prendre des photos !!! La vie est douce ici et la météo est similaire chaque jour, on se réveille avec des nuages, plus tard le vent rend le ciel bleu et ensoleillé et le soir les nuages reprennent leur place. La pluie ne tombe presque jamais et grâce à ce beau temps perpétuel, beaucoup de Canariens passent l'après-midi sur la plage, à boire, à parler ou à faire un barbecue entre potes ou en famille.
Les jours suivants, les conditions se dégradent et le vent on-shore revient, les kite-surfeurs nous remplacent. Nous reviendrons dormir plusieurs fois à Famara, mais nous n'aurons plus la chance d’y surfer. Nous passerons donc nos derniers jours à parcourir l’île de long en large.
Au sud, les complexes hôteliers et leurs cohortes de touristes nous ferons fuir rapidement, nous passerons le plus clair de notre temps au nord, à sillonner entre les paisibles villages aux maisons blanches, les chemins «off-road» à travers les champs de lave et les plages isolées.
Nous passerons une nuit sur la plage de «Las Malvas» où l’on semble être littéralement seul au monde, nous traverserons le jardin de cactus sur la route principale et nous ferons un détour par le magnifique Jameos del Agua, lieu créé par César Manrique, figure majeure des Sept Iles.
Pour finir, j’ai un souvenir vif de Teguise, l’une des «grandes» villes de l’île située au milieu de cette dernière. À le recherche d’un centre de massage pour terminer tranquillement notre séjour, nous arrivons tôt le matin pour prendre un café.
Tôt ne veut pas dire 6 h, nous sommes sur une île … en Espagne … mais plutôt 9 h, à cette heure là, la ville semble encore endormie et seuls quelques «vieux» pointent le bout de leur nez pour balayer devant leur porte. Alors je profite de ce moment entre deux mondes pour capturer les rues vides et quelques scènes qui tombent sous mon objectif.
Les nuages se dissipent peu à peu et la vie commence à peine à reprendre son cours. Il est midi, nous traversons une dernière fois l'île vers le sud pour prendre notre prochain vol, direction El Hierro.